lundi 24 août 2009

Souvenirs

Ouvre-moi les yeux. Une fois pour toutes.

Quand je regarde quelque fois dans ma mémoire, le paysage de mes souvenirs, j'y vois un ciel bleu et des nuages touffus. Avec un arbre qui bruisse sous le vent. Un érable. Et du gazon. Vert. Tellement vert qu'on a l'impression de s'y perdre si on le regarde trop longtemps. Et une galerie à la peinture écaillée.

Mais pas de toi. Pas une parcelle. Parce que ce paysage, c'est mon berceau. Mon pays d'origine. Mon antre. Un refuge intouchable. Dont personne n'a accès. Où je pouvais regarder le temps filer comme une feuille morte sous le vent.

Mais ce décor, avec les années, s'est effrité. Peu à peu. De plus en plus. La peinture écaillée est disparue. Le ciel bleu ne m'émerveillait plus. Et la quiétude est disparue. Remplacée par un stress immense. Je n'appartenais plus à cet endroit. Je n'y avais plus droit. Et pendant que je réalisais cette tristesse, en même temps qu'un merle prenait son envol, j'ai pensé à toi.

Toi qui m'a fait réaliser que cet endroit ne serait plus jamais le même. Oh, sans le vouloir. Personne ne serait assez méchant pour départir un homme de sa terre natale. Mais tu l'as fait. Cruellement. Sans pitié. Juste avant de me fendre le coeur.

Bah, c'était pas ta faute non plus. Comment pourrais-je être autre chose que moi-même? Comment pourrais-je être autant bourré de vices, de haine, de colère, de noirceur et me faire aimer? Comment pourrais-je être lui?

Et comment aurais-je pu me ressourcer, si mes origines ne m'étaient plus d'accès? Si ce ciel bleu, cet arbre et cette galerie ne m'étaient plus destinés?

Alors j'ai ouvert les valves. Des larmes de bières au goût de nicotine. Et des relents de colère. De jalousie. De mépris. Sur du Dido, du Harmonium et même du Phil Collins. Je n'ai pas su retrouver le ciel bleu. Ni même le vert du gazon. Mais au moins, j'avais autre chose en tête.

L'infinie solitude commençait à faire son oeuvre. Sournoisement. Mais sûrement. Chaque moment me semblait de plus en plus long. Surtout quand je pensais à toi. Tic. Tic. Tic. Le tac ne venait pas. Et j'avais oublié l'azur, le vert, l'écaillé de la contrée qui m'a vu naître.

Ce soir, j'ai pensé à ces couleurs. J'ai revu les nuages touffus, dans ma tête. Comme une photo. Et je me suis rendu compte que j'avais perdu quelque chose. À travers ces années. Mais que peu importe ce qu'il allait arriver, que peu importe combien de temps allait passer, que peu importe combien de couches de peinture la galerie allait éprouver, j'aurai toujours le souvenir de ce moment passé à voir l'herbe verte tanguer sous le vent, à entendre l'arbre chanter de ses feuilles et à admirer les nuages qui se partageaient l'éclat du bleu.

Alors, si jamais l'envie te prend.

Ouvre-moi les yeux. Une fois pour toutes.

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