Je viens tout juste de finir Folle de Nelly Arcan. Deux jours ont passé et je ne sais toujours pas quoi penser de l'auteure en particulier. Des phrases si longues, soutenues, chargées par une émotion vive : celle de la propre déchéance d'un personnage beaucoup trop proche de l'auteure.
C'est ça, l'auto-fiction. Où s'arrête le vrai, où commence le faux? Une mince ligne dont personne n'a aucune idée de l'emplacement exact dans le schéma narratif de l'auteure. Je ne suis pas mal à l'aise face à l'auto-fiction. La preuve, j'ai lu, adoré, encensé Marie-Sissi Labrèche, qui a produite une trilogie particulièrement forte et qui était très calquée sur sa vie.
Non, j'ai du mal avec Nelly, la personne, la femme fragile derrière le texte, les faux seins, les chirurgies, les décolorations de cheveux. Car derrière Nelly, il y avait Isabelle. Et dans Folle, on le sent, même si elle ne dit jamais son vrai nom. Parce que Folle, c'est le récit d'une femme, une longue lettre à un ancien amour, qui se résulte par l'annonce de sa pendaison, le jour de ses trente ans. Une pendaison planifiée depuis le jour de ses quinze ans, maintes et maintes fois rabâchée tout au long du livre, qui nous est détaillée.
Et le malaise dans tout ça? Nelly Arcan s'est pendue à Montréal en 2009. Le jour de sa mort, je me suis juré que j'attendrais avant d'acheter ses livres, pour ne pas tomber dans la perversion offerte. Car l'auto-fiction, c'est de la perversion, pure et dure. Exhibitionnisme pour l'auteur, voyeurisme pour le lecteur. Voir l'autre s'écrouler, c'est ça, le succès, aujourd'hui.
Mais entendre Nelly Arcan répéter tous les chapitres que l'heure de sa mort approche, que le clou qu'elle a planté sur le mur de sa chambre n'attend plus qu'elle, dans le contexte, ça reste perturbant, éprouvant, voire même impossible à lire. Je l'ai lu, en me disant que j'étais sans doute dans le pire des cauchemars. Au nom de la littérature, Nelly se vidait dans ses livres. Mais elle se vidait elle-même, pour contenter la soif aveugle du lecteur contemporain qui se complaît dans la douleur de l'autre. L'autre, qui était Nelly Arcan. L'autre, qui était humaine, complexée, détruite, vidée, charcutée, siliconée... Pour le regard des autres.
Et l'artiste est passée à Tout le monde en parle. De quoi a-t-il été question? De ce physique. De cette enveloppe charnelle qui lui collait au cul, pas parce qu'elle le voulait bien. Parce qu'elle se sentait obligée. Et en a-t-elle été heureuse? Pas selon Folle. Pas selon ce qu'on a trouvé dans son appartement, en 2009.
Alors, Nelly Arcan, putain de folle, comme certains peuvent dire, a peut-être été considérée comme une blondasse dans le milieu littéraire. Elle a peut-être fait le coup publicitaire du siècle, en se suicidant après son roman considéré comme un hymne à la vie. Mais quoiqu'il en soit, cette pauvre âme torturée avait annoncé son funeste destin, sans que personne ne s'arrête à ces idées sombres qui traversait son oeuvre, comme un fil d'or.
Je ne sais plus quoi penser de l'auto-fiction, en ce froid février de 2010, mais une chose est sûre, Nelly Arcan n'en faisait pas partie. Lorsque la fiction dépasse à un certain point la réalité, c'est du domaine de la métafiction.
Très très très bien écrit!
RépondreSupprimerEt je crois que je ne lirai jamais les livres. Entk, pas avant plusieurs années encore...
Si tu aimes l'auto-fiction, je te conseille les livres de William Burroughs narrant plusieurs parties de sa vie de façon totalement déjanté.
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