Ça fait trois mois que je suis mort. Environ. C'était un soir d'août. Et aujourd'hui, c'est la première neige. Donc, environ trois mois. Peut-être quatre.
Ça s'est passé tellement vite. J'ai pas trop compris ce qu'il était en train de m'arriver. J'étais assis dans ma voiture, bien posté aux feux de circulation, à attendre que la lumière passe du rouge au vert. Puis un camion a dérapé et m'a embouti. Et j'étais mort. Enfin, je crois. J'ai pas vu le film de ma vie, comme on a souvent dit. J'ai pas vu la lumière au bout du tunnel. Personne n'est venu me chercher. Non. J'étais debout, à côté de ma voiture, enfin, de ce qu'il en restait. Et sous la tôle tordue, je savais que je reposais là.
Je me suis assis dans l'herbe humide. Et j'ai attendu. Qu'on vienne me chercher. Pour aller je ne sais trop où. Mais, bien évidemment, personne n'est venu. J'ai dû voir une dizaine de couchers de soleil et autant de levers, assis là. Puis, la température est devenue rapidement insupportable.
Même pour un mort. Alors je suis retourné chez nous. Dans l'ambiance mortuaire. Ma femme qui pleurait sans arrêt. Ma fille qui affichait un air d'enterrement. C'est le cas de le dire.
Quelquefois, je crois qu'elles me voyaient. Elles regardaient au loin, dans ma direction. Et tout à coup, un petit éclair dans leurs yeux. Et quelques larmes. Parfois, j'allais m'asseoir avec elles, à la table de la cuisine. Comme autrefois. Excepté que je ne pouvais pas leur parler. Leur prendre la main, quand ça n'allait pas. Ou tout simplement les serrer dans mes bras.
Alors, après un moment, je suis parti. J'ai décidé de marcher jusqu'à ce que je trouve quelqu'un comme moi. Quelqu'un qui avait raté la grande projection de son film. Et qui marchait dans le froid des nuits. Sans jamais trouver. Tout en sentant des milliers de présences autour de moi. Des fantômes parmi les fantômes.
Je me suis trouvé un banc de parc. Où je pouvais m'engourdir jusqu'à ce que je voie passer quelqu'un qui puisse me voir. Alors je m'y suis installé. Et c'est sur ce banc que je regarde tomber la première neige. Ma montre numérique indique 22:15, le 23 août 2009. Heure à laquelle j'ai dû traverser de l'autre côté. En restant dans le même.
À travers les flocons, je crois discerner quelques points rouges qui se déplacent. Comme des yeux. Qui me fixent. Qui s'éteignent et se rallument. Un peu plus près. À chaque fois. De quoi pourrais-je bien avoir peur, si je suis déjà mort? Qu'est-ce qui peut bien arriver à une âme errante?
Je suis engourdi. Come soudé au banc. Et je ne peux m'empêcher de voir ces petits points scintillants filer dans la nuit. S'approcher sournoisement.
« Qui êtes-vous? »
Je n'ai même pas eu à ouvrir la bouche. La question qui fusait dans mon esprit s'est fait entendre à travers le parc, avec un écho lugubre. Ou était-ce des rires? Des rires qui s'amplifient. Et qui sortent de partout autour de moi. Je voudrais fermer les yeux. Essayer de me faire mon film, pour partir. Vite. Mais je suis gelé là.
Avec eux.
dimanche 9 août 2009
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Table des matières
- mars 2011 (1)
- avril 2010 (1)
- février 2010 (2)
- novembre 2009 (1)
- octobre 2009 (1)
- septembre 2009 (3)
- août 2009 (9)
- juillet 2009 (4)
- juin 2009 (2)
- mai 2009 (1)
- avril 2009 (9)
- mars 2009 (9)
- février 2009 (4)
Nombre total de pages vues
7,370
Je n'aime pas vraiment ta vision de la mort, mais bien écrit ;)
RépondreSupprimer